La créolistique en quelques dates
L'intérêt pour les langues créoles se manifeste dès leur apparition au XVIIe siècle, surtout de la part des missionnaires et marchands. Il faut attendre le milieu du XIXe pour que des érudits et linguistes universitaires se penchent à leur tour sur ces langues nouvelles. Cette branche de la linguistique se structure comme une discipline à part entière dans la seconde moitié du XXe siècle avec la création de publications spécialisées et de sociétés savantes. Aujourd’hui, sous le nom plus général de « linguistique de contact », c’est une des branches les plus dynamiques des sciences du langage.
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1671
Première mention écrite d’une langue créole dans un manuscrit découvert en 1990 par Shirley Brice Health et conservé à l’Université de Caroline du Sud :
« Moi mire bete qui tini Zyeux, tini barbe, tini mains, tini Zepaules tout comme homme, tini cheveux et barbe gris, noir et puis blanc, moi na pas mire bas li parce li te dans diau, li sembe pourtant poisson. Moi te tini peur bete la manger monde. Li regarde plusieurs fois, li alle devant savanne, puis li cache li dans diau, puis moi pas voir li davantage. »
Ce texte présente les caractéristiques des créoles des Petites Antilles.
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1692
Première mention imprimée d’un dialogue en créole malayo-portuguais, rapporté par le botaniste George Meister dans son ouvrage, Der orientalisch-indianische Kunst- und Lust-Gärtner :
« Bene vene aqui Supra Java Major, au Batavia… — Semper aqui aussi cinte ? — Se Semper Anno de Annos. — O ! Miracul de Munde, contre Europae nos, Patria au Semper Frige cum nova Zembla. ».
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1732
Début d’un travail de collecte et d’étude du Negerhollands, un créole à base néerlandaise parlé par les noirs esclavisés de Saint-Thomas et Saint-John dans les Antilles danoises. Ce travail est mené par des missionnaires des Frères Moraves, une petite église évangélique issue de la prédication de Jean Hus réfugiée en Saxe. Ils sont les premiers à considérer le créole comme une langue autonome et non comme un patois ou un dialecte d’une langue source.
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1770
Jochum Melchor Magen, un missionnaire morave, publie à Copenhague la première grammaire d’une langue créole, Grammatica over det Creolske Sprog, sombruges paa de trende Danske Eilande, St. Croix, St. Thomas og St. Jan i America.
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1777
Christian Oldendorp publie une histoire des missions moraves dans la Caraïbe contenant une douzaine de pages sur le Negerhollands, Geschichte der Mission der evangelischen Brüder auf den caraibischen Inseln S. Thomas, S. Croix. Le manuscrit étudié dans les années 1980 contenait aussi plus d’une cinquantaine de pages de remarques grammaticales et socio-linguistiques, ainsi qu’un dictionnaire Negerhollands-Allemand de 189 pages et treize pages de texte en negerhollands.
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1842
L’abbé Jean-Claude Goux publie un Catéchisme en langue créole, précédé d'un essai de grammaire sur l'idiome usité dans les colonies françaises. Il s’agit du premier essai d’une grammaire systématique d’un créole à base linguistique française. L’auteur veut exposer la foi catholique dans la langue locale et donner des éléments permettant à un néophyte de la maîtriser rapidement.
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1869
Addison van Adam, bibliothécaire à l’Université Yale publie dans les Transactions of the American Philological Association, l'article « Contribution to Creole Grammar » dans lequel, il définit les créoles comme des langues ayant grandi en sortant des langues européennes pour se greffer sur les langues africaines. Il s’agit d’une étude comparée des créoles d’Haïti, Martinique, Trinidad, Saint-Thomas et Louisiane qui défend l’idée d’un créole unique, mais contaminé à différends stade par le français. Il souligne aussi que le créole est une langue presque uniquement orale sans standard écrit et propose un standard ne tenant pas compte des différentes écritures qu’il a pu rencontrer pour permettre une orthographe unique pour les sons identiques. Bien que Van Adam ne soit pas linguiste de profession, ces remarques posent les questions d’une grande partie de la créolistique.
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1869
John Jacob Thomas, un instituteur de Trinidad, publie la première grammaire d’un créole à base française, The Theory and Practice of Creole Grammar. Cet ouvrage est composé de quatre parties : orthoépie et orthographie ; étymologie ; syntaxe ; interprétation. Cette dernière section comprend quinze pages de proverbes et de traductions en créole, y compris des fables de Perrin, Ésope et La Fontaine et un extrait de l'auteur haïtien François-Romain Lhérisson (1798-1858).
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1881
Francisco Adolfo Coelho, pédagogue et linguiste autodidacte publie son étude Os dialectos romanicos ou neo-latinos na Africa, Asia e America (Sociedade de Geographia de Lisboa, 1881), première étude comparative des différents créoles à base portugaise ou espagnol dont il a recueilli les matériaux grâce au réseau de correspondants de la Société géographique de Lisbonne. Malgré ses lacunes, cette étude est l’une des premières à considérer les langues créoles comme dignes d’être enseignées. Il y défend aussi la théorie que les créoles sont nés des efforts des populations africaines pour apprendre le langage des européens, cet effort finissant par former une nouvelle langue.
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1882
Hugo Schuchardt, professeur à l’Université de Halle, commence la publication en neuf volumes de ses Kreolische Studien (Vienne, 1882) dont la publication s’étale jusqu’en 1891 et qui constitue la première étude par des linguistes universitaires des langues créoles. Pour lui, l’étude des langues créoles est l’occasion d’apporter des réponses à plusieurs problèmes importants de la théorie linguistique, notamment la question des interactions entre langues.
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1883
Lucien Adam, linguiste spécialiste des langues amérindiennes, publie Les idiomes négro-aryen et maléo-aryen, essai d'hybridologie linguistique (Maisonneuve, 1883), une étude sur les créoles en Amériques qui défend la thèse « subtratiste » i.e. que les créoles sont des langues utilisant un lexique européen sur une syntaxe africaine ou asiatique.
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1884
Première mention du terme « créolisation » (au sens de créolisation culturelle), dans un courrier de Paul Lévy lu par Louis Armand de Quatrefages lors d'une séance d'échanges entre membres de la Société d'anthropologie de Paris.
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1899
Dirk Christiaan Hesseling, professeur de philologie classique à l’Université de Leyde, publie Het Afrikaansch. Bijdrage tot de geschiedenis der Nederlandsche taal in Zuid-Afrika (Brill, 1899), une étude sur l’Afrikaans la langue des colons néerlandais d'Afrique du Sud. Il s’agit pour lui de comprendre la naissance de la koiné, langue grecque parlée au temps de Jésus-Christ. L’étude des processus de créolisation aussi bien en Afrique du Sud que dans les Antilles danoises éclaire ceux ayant donné naissance à la koiné.
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1936
Suzanne Comhaire-Sylvain, première anthropologue haïtienne, soutient une thèse à l’École pratique des hautes études, Le créole haïtien : morphologie et syntaxe sous la direction de Marcel Mauss. Il s’agit de la première thèse en France sur le créole. Par la suite, ses travaux menés principalement à Haïti et en Afrique montrent les racines africaines du créole haïtien.
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1937
John Reinecke soutient à Yale sa thèse en linguistique, Marginal languages : a sociological survey of the Creole languages and trade jargons, considérée comme la meilleure synthèse à son époque des problèmes se posant à l’étude des créoles et pidgins. Il continue ensuite sa carrière à l’Université de Hawaï et assoit la créolistique comme une discipline à part entière.
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1943
Robert A. Hall, professeur de linguistique à l’Université Cornell, publie Melanesian Pidgin English : Grammar, Texts, Vocabulary (Linguistic Society of America, 1943) dont la présentation synthétique est conçue pour permettre l’apprentissage par des non-locuteurs.
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1972
Fondation de la Society for Caribbean Linguistics sur le campus de St. Augustine (Trinidad-and-Tobago) de l’University of the West Indies. Son premier président est le linguiste d’origine jamaïcaine Frederic Gomes Cassidy, éditeur, entre autres, du Dictionary of Jamaican English (Cambridge University Press, 1967).
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1972
Robert Chaudenson soutient sa thèse d’état sur Le lexique du parler créole de la Réunion (Panthéon-Sorbonne, 1972) sous la direction de Raymond Arveiller. La même année Guy Hazaël-Massieux soutient sa thèse de 3ème cycle sur la Phonologie et phonétique du créole à la Guadeloupe à l’Université de la Sorbonne Nouvelle sous la direction de René Gsell, et Pierre Marie Moorghen soutient la sienne sous le titre Étude structurale du créole de l'ile Maurice à l’Université de Nice. Ces trois thèses sont les premières soutenues à l’université française depuis les thèses de Pradel Pompilus (1961) consacrées au créole haïtien et celle d’Élodie Jourdain sur Le vocabulaire du parler créole de la Martinique en 1945.
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1975
Fondation du Groupe d'études et de recherches en espace créolophone (Gerec) par Jean Bernabé à l’Université des Antilles et de la Guyane. La même année, John Reinecke publie A Bibliography of pidgin and creole languages (University Press of Hawaii, 1975) qui rassemble l’ensemble des informations alors disponibles sur la créolistique.
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1976
Fondation du Comité international des études créoles à Nice présidé par Robert Chaudenson, avec Jean Bernabé. Ce comité publie la revue Études Créoles. La même année Guy Hazaël-Massieux inaugure des cours de créole au sein d’une licence de linguistique à l’Université d’Aix-en-Provence.
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1989
Fondation de la Society for pidgin and creole linguistic.
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2001
Fondation de l’Associação de crioulos de base lexical portuguesa e espanhola et de l’Associação brasileira de estudos crioulos e similares.